un peu de provoc !! mais pour le moment, le front de gauche est le seul à m'envoyer sa contribution au projet de gauche d'Alternative Citoyenne
merci à lui
martine
Abolir le vote utile pour réinventer la gauche
10 Février 2012 Par Michael Le Sauce
Avant propos : cet article ne prend pas en compte les sondages d'opinion bidons.
Avec la montée en puissance de Jean-Luc Mélenchon et la nouvelle dynamique de gauche qui semble se lever en ce début 2012 autour de sa candidature, nombreux sont maintenant ceux qui pensent « qu'il se passe quelque chose ». Pour ma part, il semble surtout se produire un changement de perspective qui, s'il se vérifie, pourrait parfaitement amplifier ce sentiment d'enthousiasme à gauche.
Alors qu'il y a quelques semaines encore, Mélenchon semblait impuissant devant l'arrogance de Marine Le Pen et paraissait, à l'égard du PS, comme un parasite pouvant coûter à la gauche toute entière la victoire du mois de Mai, il semble que la situation ne soit plus exactement celle-là.
Non seulement la campagne et les arguments du Front National s'essoufflent dans les vociférations de sa candidate de plus en plus confrontée à ses contradictions entre sa posture et son programme réel, mais surtout la récente envolée du Front de Gauche semble due à sa capacité à convaincre les abstentionnistes ainsi que la partie désorientée, fragile, et pas viscéralement de droite, de l'électorat potentiel du FN en « tenant la tranchée », dixit Mélenchon. On peut supposer sans prendre de grand risques, que toutes ces voix exprimant un rejet, quelque soit leur forme d'expression (abstention ou vote extrémiste), ne serait jamais aller au candidat “socialiste”, Hollande le libéral, dit Flamby.
Autant de voix donc, gagnées pour le Front de Gauche, mais pas perdues pour Hollande pour autant. On peut donc dire des voix gagnées pour l'ensemble de la gauche.
La présence de Bayrou est très importante car il peut capter cette fois le vote de droite et ainsi affaiblir les résultats de Sarkozy et de Le Pen. Il peut aussi paraître d'avantage convaincant à une grande partie de la classe moyenne n'ayant pas accroché avec "Flanbi". Il y a donc un potentiel de dispersion à droite qui est, contrairement à 2007, supérieur qu'à gauche. En effet, cette fois le choix à gauche est synthétisé en deux candidatures extrêmement claires et à main égards opposées : la « gauche » néo-libérale du P“S” , et la gauche socialiste et écologiste du Front de Gauche.
Hollande et Mélenchon, pourtant frères ennemis depuis longtemps, constituent un tandem parfaitement équilibré pour faire gagner la gauche. Je m'explique.
Mélenchon, lui, peut monter aussi haut qu'il peut sans inquiéter son camp puisque l'essentiel de ses voix viendra de l'abstention, de l'électorat traditionnellement radical dans ce pays (ce qui fait déjà du monde, réuni sur une seule candidature) même s'il prendra aussi, c'est vrai, un peu de l'électorat socialiste et surtout écologiste.
Hollande, quant à lui, de part sa position centriste, et de part son rôle de substitution de candidat de maintien de l'ordre néo-libéral soutenu par les entreprises de sondages et par les grands médias (en témoigne le dernier avis rendu par le CSA sur la répartition du temps de parole des candidats PS et UMP), va fortement concurrencer Bayrou et Sarkozy.
Ainsi la droite extrême et l'extrême droite sont grandement gênés par un jeu qui tend à se resserrer entre la gauche, le centre gauche et le centre droit, et l’ambiguïté et l'absence de charisme de Flamby peut profiter à Bayrou et Mélenchon.
Dans ces conditions, Mélenchon étant le seul à lutter contre Le Pen, dénonçant son programme incohérent, convaincant les abstentionnistes, Bayrou captant l'essentiel du vote de droite et Hollande se laissant dissoudre, coincé qu'il est entre sa droite et sa gauche, le vote utile, qui a faillit redevenir la règle une seconde fois, après avoir été inventé en 2007, devrait avoir quelques difficultés à tordre le bras du gros du peuple de gauche.
Dans ces conditions, et sous-réserve que mon analyse tienne la route (!), j'énonce les possibilités de second tour suivantes :
- Hollande – Bayrou
- Mélenchon – Bayrou
- Hollande – Mélenchon
Ce dernier cas pourra vous sembler fantaisiste et vous vous direz que si jusque là vous pouviez à peu près suivre mon raisonnement, cela devient désormais franchement suspect.
Mais si je le fais c'est pour mettre en évidence un des enjeux de cette présidentielle qui semble malheureusement ignoré : l'avenir de la gauche. En effet, un débat entre ces deux gauches, à ce niveau, serait une chance incroyable d'avoir un vrai débat de fond capable de recréer une espérance et un intérêt pour la politique qui manque cruellement aujourd'hui et qui a été miné par la violence et le cynisme de 30 ans de langue de bois entre une gauche et une droite complices et corrompues. Comme le reconnaissait Emmanuel Todd lors d'un débat à Arrêt sur images avec Jean-Luc Mélenchon, les débats de qualité, les débats les plus féconds sont les débats qui ont lieu à l'intérieur même de la gauche, a contrario des débats opposant droite et gauche qui sont, la plupart du temps, stériles, chacun défendant sa chapelle avec une mauvaise foi flagrante et un goût des petites phrases insupportable. Seuls des débats sérieusement argumentés donneront envie aux gens d'écouter, de se mobiliser et permettront d'élever le niveau de conscience politique, indispensable si l'on veut s'éviter la pieuvre autoritaire et anti-démocratique qui est en train de se déployer en Europe comme aux Etats-Unis.
D'autre part, s'il me semble quasiment impossible qu'un de ces deux candidats de gauche ne soit pas au second tour, il est en revanche déterminant de savoir lequel des deux sera, au lendemain de l'élection présidentielle, en position d'influencer l'évolution du socialisme en France. Car une victoire de Mélenchon sur Hollande, même en cas de victoire de Bayrou au second tour, vaudrait implosion du P“S” et reconfiguration de l'ensemble des gauches autour d'un projet socialiste ambitieux et radicalisé, alors qu'un maintien du P“S” comme premier parti de “gauche” vaudrait continuité de cette arnaque de se présenter comme un parti d'opposition...
De la même manière que Jules Guesde et Jean Jaurès confrontaient, en 1900, leurs visions respectives du socialisme français (loin de moi l'idée de vouloir comparer Hollande à Guesde...), une nouvelle étape de l'histoire du socialisme doit être franchie et Jean-Luc Mélenchon arrivera peut-être à obtenir, in fine, ce fameux débat si crucial pour que le socialisme redevienne source d'espérance, d'amélioration des conditions de vie, et devienne notamment écologiste. De ce point de vue, le travail du Parti de Gauche et du mouvement Utopia, la création du Front de Gauche et l'adoption d'un programme socialiste et écologiste ambitieux, sont des contributions importantes à la mutation du socialisme français.
Pour réinventer le socialisme, qu'il redevienne un outil d'émancipation et un moteur de solidarités, pour pérénniser dans le débat public et dans la politique concrète, quotidienne, l'enjeu écologique, abolissons le vote utile et portons jusqu'à la victoire l'éco-socialiste Mélenchon !