Le seuil d'épandage de déjections animales a été réhaussé de façon indirecte. Le ministère de l'Ecologie assure toutefois que cette mesure est cohérente avec un arrêté national plus contraignant qui sera rendu public le mois prochain.
L'association écologiste «Eaux et rivières» ne décolère pas. Elle s'inquiète d'un décret publié mardi au Journal officiel qui a indirectement relevé les normes actuelles d'épandage de déjections animales azotées sur les terres agricoles, faisant craindre une recrudescence de la prolifération des algues vertes. L'azote est en effet le principal nutriment de la laitue de mer et, en Bretagne, «95% de l'excès d'azote provient du lessivage des excès de fertilisation azotée (animale et minérale, ndlr) amenée sur leurs champs par les agriculteurs», selon Alain Menesguen, directeur de recherche au département Dynamiques de l'environnement côtier de l'Ifremer*.
Le décret n'a pas changé le seuil de 170 kilos d'azote contenus dans les «effluents d'élevage» pouvant être épandus par hectare et par an, mais il a modifié les modalités de calcul au niveau des élevages. Désormais, il sera basé sur la «surface agricole utile» (SAU) et non plus sur la «surface potentielle d'épandage» (SPE). Les limitations actuelles - ne pas épandre près d'un cours d'eau, d'habitations, etc - sont maintenues. Si l'on s'en tient à ce texte, cela veut dire qu'un éleveur pourra en pratique répandre sur sa SPE une quantité de déjections calculées sur une surface plus grande de 10 à 20%. A cette aune, l'inquiétude des associations écologistes, qui espéraient une limitation drastique de la fertilisation des sols, est compréhensible.
On ne verra pas diminuer les marées vertes
L'arrêté à paraître doit de toute façon inscrire au niveau national le principe d' «équilibre de fertilisation». Pour résumer, les apports azotés (animaux et minéraux) devront égaler ce que les cultures peuvent absorber. «Pour la majorité des élevages, cela va limiter les épandages d'origine animale à des niveaux bien inférieurs aux 170 kilos par hectare définis dans le décret», estime Philippe Jeannot. La période d'interdiction d'épandage doit par ailleurs être augmentée. Quant aux plans d'action et aux contrôles, ils seront désormais pilotés au niveau régional. Le ministère devrait ainsi gagné en efficacité.
Ce bouleversement annoncé de l'architecture de la politique de lutte contre les rejets azotés d'origine agricole sera-t-il suffisant ? Objectivement, il est encore trop tôt pour le dire. Pourtant, le temps presse. «Sans diminution très forte des fuites d'azote vers la mer, on ne verra pas diminuer les marées vertes», avertit Alain Menesguen. «Il faut réduire les apports d'azote minéral (engrais, ndlr) et, sans doute, le cheptel», estime-t-il. Et vite.