Manipulations, harcèlement, et autres manœuvres machiavéliques, les pervers narcissiques sont au sommet de leur art et de plus en plus nombreux selon les experts. L’éclairage du célèbre neuropsychiatre
Comment et pourquoi devient-on pervers narcissique ?
Notre
culture valorise le narcissisme, l'individualisme et ensuite, on s'en
plaint! On a le culte du développement de la personnalité, quel que soit
le prix que cela coûte aux autres, alors que dans les cultures
asiatiques et dans d'autres cultures, on valorise le développement de
l'individu dans sa famille, dans son groupe. C'est un autre modèle. Pour
l'instant, car c'est en train de changer.
Depuis le XIIIe
siècle, l'Occident valorise l'individu , c'est un progrès mais cela
fragilise les liens. Dans les cultures tyranniques, les dictatures
religieuses, on considère que l'individu n'a aucune valeur, ce qui
compte c'est la défense du groupe, de la famille de Dieu ou du tyran,
que le tyran soit sacré ou profane.
Qui est « l'autre » pour le pervers narcissique?
Seul compte son plaisir. S'il s'amuse bien, peu importe les autres. Les autres sont des ombres, des pantins...
On naît pervers narcissique ou on le devient?
Freud répond à cela: «on ne devient pas pervers, on le reste».
Un enfant met quatre ans au moins à découvrir l'autre. Pour le bébé, la
mère est un objet sensoriel : elle nourrit, sécurise, enveloppe, c'est
une odeur, une voix, ce n'est pas vraiment un autre. A partir de quatre
ans, l'enfant comprend que maman est une personne qui peut imposer sa
loi, ses intentions, ses croyances. On ne devient adulte vraiment que
quand on accepte l'idée que sa mère aussi est une personne.
Quel est le mal profond du narcissique ? N'est ce pas plutôt celui qui a souffert du manque d'amour ?
Il
n'y a pas de mal, il y a un arrêt de développement. Cocooner un enfant,
c'est le mettre en appauvrissement affectif. La mère trop protectrice
pense que son enfant n'a le droit d'aimer qu'elle. Il y a des pères
aussi dans ce cas. Ces mères sont amoureuses du petit être qu'elles
mettent au monde. Les psychanalystes disent que pour ces femmes-là,
mettre au monde un enfant, c'est un substitut phallique…
Une mère protectrice est émerveillée d'avoir mis au monde un enfant, et pense que sa valeur tient par cet enfant.
Elle
va tout faire pour lui, il ne peut aimer personne d'autre qu'elle.
C'est une prison affective, proche de l'appauvrissement affectif des
enfants abandonnés.
Aimer de la sorte, c'est donc isoler ?
Si
on met un village autour de l'enfant, il apprendra mille manières
d'aimer. Et là, possiblement, il y a moins de pervers narcissiques.
Le développement du pervers narcissique encouragé par notre culture est une preuve de notre défaillance socioculturelle.