Manifeste pour engager l’Europe dans le monde
Avec le déplacement du centre de gravité économique du monde vers la région Asie- Pacifique et une Chine qui deviendra la première puissance économique mondiale, le G7 pourrait ne plus compter d’État européen en 2030.
Mais si elle le voulait, l’Union européenne (UE) en ferait partie. Certes, les pays émergents seront encore durablement mobilisés par des enjeux intérieurs.Mais leur potentiel économique, tout comme leurs aspirations légitimes à faire davantage entendre leur voix sur la scène internationale sont bien réels.
Ces évolutions pourraient aussi s’accompagner d’un transfert de pouvoir diplomatique et militaire à mesure que la course à l’armement des nouvelles puissances économiques se renforce, alors que les Européens continuent de réduire leurs budgets de défense.
Dans ce nouveau monde multipolaire, le modèle occidental n’est plus la référence dominante et aucune puissance n’est en mesure de garantir le leadership nécessaire pour répondre aux défis globaux. Les institutions multilatérales ne sont pas encore adaptées à ce nouvel équilibre (ou désordre) des puissances. D’où un réel déficit de gouvernance globale, pourtant nécessaire pour traiter les enjeux clés liés à la sécurité internationale, la régulation macroéconomiqueet financière, et le développement humain.
Cette rapide transformation du contexte global se double aux portes de l’Union européenne d’une difficulté patente à faire, comme par le passé, de l’attractivité du modèle européen le principal levier de stabilisation dans son voisinage.
Les trajectoires de réforme des voisins divergent. Leur alignement sur les choix européens, dont on pouvait encore espérer dans les années 2000 qu’il serait progressif et fonctionnel, devient moins évident. D’autant que sur le front oriental, à l’aune de la crise ukrainienne, l’UE prend la mesure de la rivalité frontale qui l’oppose à Moscou dans sa zone d’influence historique.
Au Sud, l’influence européenne est d’autant plus contestée que de
nouveaux investisseurs étrangers (Chine, Qatar…) n’imposent pas la
même conditionnalité que l’UE (plus d’échanges et d’investissement si davantage de réformes).
La cohésion interne des voisins est fragilisée par l’apparition de ces contre modèles et de mouvements radicaux ou fondamentalistes. Le leadership de l’Union européenne par l’exemple, qui avait reposé jusqu’ici sur sa puissance économique, son modèle politique et une perspective d’adhésion pour certains voisins des Balkans plutôt que sur une politique extérieure européenne, ne suffit plus.
L’agenda institutionnel communautaire et les instruments, comme les accords d’association, sont décalés par rapport au rythme de transformation du voisinage.
Nous devons nous préparer à lutter plus âprement pour la défense de
nos valeurs et de nos intérêts.
Par ailleurs, la posture de la Russie en Ukraine et de la Chine dans les eaux territoriales de ses voisins rappelle brutalement que les ambitions territoriales conflictuelles sont toujours menaçantes. La confrontation avec la Russie, sans précédent depuis la fin de la guerre froide, cumulée à l’instabilité des pays du Sud de la Méditerranée et aux conflits au Moyen-Orient, nous appelle à adapter notre politique d’action extérieure à la réalité d’un voisinage
plus imprévisible.
Les États membres ne peuvent s’en tenir à une posture de repli. Dans ce contexte d’interdépendance mondiale accrue, plus compétitif et probablement plus conflictuel, aucun Etat membre
n’est en mesure de relever seul tous ces défis. Pour peser dans cette nouvelle étape de lamondialisation, et retrouver notre pouvoir d’attraction et notre force de transformation dans son voisinage, l’échelon européen est plus que jamais pertinent.
Les atouts de l’Union européenne sont nombreux: le plus grand marché intérieur du monde, une politique commerciale active, la politique de développement et d’aide humanitaire la plus dotée, un mode de vie fondé sur le respect de l’État de droit, une volonté de lutter contre les inégalités et pour la protection de l’environnement, etc.
C’est en nous appuyant sur cette «valeur ajoutée européenne»et en mutualisant davantage nos forces au sein de politiques communes que nous pourrons renforcer notre influence.
Nous appelons les responsables européens qui prendront leur fonction au tournant de l’été à engager ce rebond stratégique dès le début de la législature de 2014-2019. Cet effort doit porter sur les politiques internes de l’Union pour assurer notamment un retour à la croissance de l’ensemble des États membres sans lequel la crédibilité de l’«économie sociale de marché» serait atteinte. Mais la défense de nos intérêts dans le monde exige aussi de rapides avancées dans la politique extérieure de l’Union.
Nous devons accélérer la mise en place de mécanismes de gestion collective de crise et enrayer la baisse de nos capacités militaires.
Nos intérêts en matière énergétique doivent être coordonnés
pour assurer la sécurité de notre approvisionnement,ce qu’une «communauté européenne de l’énergie» doit permettre. Nous devons être plus solidaires dans la lutte contre l’immigration clandestine, en développant simultanément une politique commune d’immigration légale qui permettre de relever le défi de notre déclin démographique.
Nous devons aussi aider nos entreprises à bénéficier de la croissance
des marchés émergents et promouvoir nos normes dans le cadre de notre politique commerciale commune. Et, enfin, nous nous devons nous engager plus activement auprès de nos voisins.
Ce n’est qu’en nous donnant des objectifs concrets à court et à moyen terme pour faire avancer ces cinq chantiers prioritaires (1) que nous pourrons contribuer à renforcer notre place et notre rôle sur la scène internationale.
(1) A cette fin, nous adressons des
recommandations précises aux futurs
responsables européens dans un manifeste
deNotre Europe, Institut Jacques Delors
(www.notreeurope.
eu).
Ainsi que: Eneko LandaburuConseiller
spécial du président António Vitorino,
NicoleGnesotto Professeure titulaire de la
chaire sur l’Union européenne auCnamet
viceprésidente
deNotre Europe, Institut
Jacques Delors (NE–IJD), Philippe
De Schoutheete Ancien ambassadeur de
la Belgique auprès de l’Union européenne,
Etienne Davignon Ancien viceprésident
de laCommission européenne, Elvire
FabryChercheure senior àNE–IJD, Sami
recommandations précises aux futurs
responsables européens dans un manifeste
deNotre Europe, Institut Jacques Delors
(www.notreeurope.
eu).
Ainsi que: Eneko LandaburuConseiller
spécial du président António Vitorino,
NicoleGnesotto Professeure titulaire de la
chaire sur l’Union européenne auCnamet
viceprésidente
deNotre Europe, Institut
Jacques Delors (NE–IJD), Philippe
De Schoutheete Ancien ambassadeur de
la Belgique auprès de l’Union européenne,
Etienne Davignon Ancien viceprésident
de laCommission européenne, Elvire
FabryChercheure senior àNE–IJD, Sami