À la proposition des Socialistes, exprimée par Jean-Christophe
Cambadelis d'un référendum au sein de l'électorat de la gauche sur la
question de l'unité, j'en lis ici
beaucoup qui répondent : « d'abord un vrai programme de gauche, d'abord
une vraie politique de gauche, et ensuite l'unité ».C'est un point de vue que je vois souvent écrit ces derniers jours sur les réseaux sociaux, c'est un point de vue que j'entends aussi dans la bouche des dirigeants, que ce soit ceux du Front de gauche ou d'Europe écologie – les Verts.
Cela s'accompagne, en prime, de tentatives de ridiculisation de cette initiative et de ses promoteurs.
Il me semble nécessaire de répondre, à ceux qui expriment un tel point de vue, que l'Histoire doit nous aider à porter un regard plus juste sur la crise profonde d'orientation que connaît la gauche, et conduire à voir autrement le sens que peut avoir cette initiative.
Pour tous ceux qui, à gauche, font passer l'unité derrière les griefs qu'ils ont contre telle ou telle force politique de gauche, ils doivent se souvenir que le Parti communiste allemand de 1932 n'était pas une force très sympathique par beaucoup d'aspects notamment son soutien à Staline, lorsqu'on était Social-démocrate, c'était insupportable, et ils doivent se souvenir que le Parti social-démocrate allemand n'était pas une force très sympathique, lorsqu'on était Communiste, puisqu'on se souvient encore de la mort de Rosa Luxembourg, c'était insupportable. Il y avait de part et d'autres, de quoi considérer que l'unité n'était pas la priorité.
Alors que ces deux partis, ensemble, avaient la possibilité de constituer une majorité au Parlement, chacune des deux directions considéra que la venue à la Chancellerie d'un politicien d'extrême-droite fantasque et minoritaire, dont le parti en plein recul, venait de perdre 9 points aux dernières élections, n'était pas bien grave et serait une occasion de démontrer qu'il avait raison vis-à-vis de l'autre.
Lorsque certains disent qu'Hitler est arrivé au pouvoir par les urnes, parce que les Allemands auraient massivement voté pour le porter à la Chancellerie, il se trompent, il est arrivé au pouvoir par la division des forces de gauche d'Allemagne.
Face a la montée de l'extrême droite qui, en France comme en Allemagne se manifestait fortement, après les émeutes du 6 février 1934, et en regardant l'exemple Allemand, les partis de gauche français décidèrent de fonder le Front populaire.
Il n'y avait pourtant pas moins de raisons pour les Communistes, en 1935, de critiquer les Radicaux, parti central qui avait participé à tant de coalitions de la IIIe République, ni pour les Radicaux de critiquer les communistes, soutiens, si fidèles, de Staline, ni pour les Socialistes de critiquer à la fois les Communistes et les Radicaux. Tous, avaient autant de raisons de considérer comme insupportable une telle alliance, que leurs homologues allemands de 1932.
Mais ils ont fait le choix inverse.
L'avènement du Front populaire en 1936 est une date lumineuse dans l'histoire de France, L'arrivée d'Adolf Hitler à la Chancellerie en 1933 est une date sombre dans l'histoire de l'Allemagne et du monde.
