CONSTRUIRE L'AVENIR ENSEMBLE
 

18/08/2009

Après la vache folle, le pré fou ?

Contribution au débat sur le projet de centre de Traitement Mécano-Biologique à Château d’Olonne

Note remise à Monsieur le commissaire-enquêteur le lundi 17 août 2009 en mairie de Château d’Olonne

Enquête publique relative à la création d’un centre de tri mécano-biologique sur le site du Taffeneau

Les objectifs de recyclage du Grenelle de l’environnement poussent les collectivités à mieux collecter et trier les ordures ménagères, les quantités de déchets partant en incinération ou en stockage devront diminuer sensiblement.

Ces améliorations passeront par l’amélioration des collectes sélectives déjà mises en place comme celles du papier, du métal ou encore des emballages. Pour récupérer d'autres volumes de déchets encore présents dans les poubelles, certaines collectivités ont déjà choisi de créer de nouvelles collectes sélectives notamment pour les déchets organiques. D'autres cherchent à récupérer les déchets encore valorisables sur la fraction d'ordures ménagères résiduelles et se tournent pour cela vers les centres de traitement mécano-biologiques (TMB)

Le Traitement Mécano-Biologique (TMB) est un procédé de tri par criblage qui permet de séparer les déchets organiques des fractions non-organiques, mais sans pour autant éliminer suffisamment de particules fines et de polluants pour obtenir un bon compost.

Ce procédé a été étudié par le bureau d'études économiques BIPE, qui est une entreprise indépendante et privée d’études économiques et sectorielles, de prospective et de conseil en stratégie. Cette étude a été cofinancée par la FNADE-Fédération Nationale des Activités de la Dépollution et de l’ Environnement - et par l’ADEME -Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie- qui est un établissement public placé sous la tutelle des ministres chargés de la recherche, de l'écologie et de l'énergie

Cette étude présentée au congrès de la FNADE du 10 juin 2009 porte sur 65 sites de TMB existant en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, en Catalogne et en France.

Dans le cas français, le rapport note que l'encadrement réglementaire des unités existantes est incomplet et l'exigence de qualité du compost produit est faible.

En outre, des organismes de certification s'opposent à l'utilisation de ce "compost" en agriculture biologique.

De son côté, l’ADEM a décidé de ne plus accorder de subventions aux nouveaux projets d'installations de TMB . En supprimant les aides jusque-la accordées aux collectivités (communes, communautés de communes….) qui souhaitaient s'en doter, l'ADEME a ainsi pris parti pour ne plus susciter un engouement excessif pour cette filière

Cependant, dans un entretien accordé à « Environnement magazine » révélé dans le journal Ouest France du samedi 1° août 2009, un responsable régional de l'ADEME des Pays de Loire précise « En ce qui concerne la Vendée les TMB produiront un compost réglementaire et, du fait que des agriculteurs locaux se sont engagés à l'accepter, on peut dire que le débouché local est assuré. » Il a ajouté que l’ADEME demande « seulement » un compost « qui respecte la réglementation …….« Si des agriculteurs locaux l'acceptent dans leurs champs, nous n'avons rien à dire. »

Autrement dit, la légitimité des installations de TMB reposerait en Vendée sur les « engagements « des agriculteurs locaux à accepter l’épandage sur les terres exploitées du composte produit par le TNB.

Il faut noter la prudence avec laquelle l’ADEME présente cet argument

« Si des agriculteurs locaux l'acceptent (le composte) dans leurs champs, nous n'avons rien à dire. » Il y a en effet des raisons de se méfier de la porté de « l’engagement » des agriculteurs :

Cet engagement résulterait de la Convention Cadre du 10 juillet 2009 signée par le Conseil Général ; la Chambre d’Agriculture & Trivalis . Cette convention précise que des conseillers agricoles se chargent de trouver les agriculteurs repreneurs du compost en privilégiant la recherche d’exploitations à proximité de l’usine.

Aujourd’hui, cette convention ne garantit pas que des agriculteurs repreneurs de ce compost existent ou s’engageront sur une longue durée. Cela tient en particulier au droit actuel du fermage qui ne précise pas le statut de l’épandage. Le rôle des propriétaires des terres agricoles louées aux fermiers exploitants n’est même pas évoqué dans la convention.

Le droit d’épandage s’est développé en Bretagne, secteur de production porcine, après la directive Européenne Nitrate. Désormais ce droit d’épandage peut être loué ou faire l’objet de troc, indépendamment de l’exploitation du foncier. Cependant, le service d’épandage étant attaché à la terre, sa valeur vient augmenter la productivité en valeur de la terre. Les acheteurs de terre enchérissent pour bénéficier du service d’épandage ou le louer aux éleveurs, conformément à la théorie classique de la rente bien connue des économistes :

  • Dans les zones globalement en déficit, les agriculteurs sont prêts à payer pour se procurer des fertilisants organiques auprès des éleveurs, alors que dans les zones globalement en excédent, les éleveurs ayant des excédents d’effluents louent la possibilité d’épandre aux agriculteurs ayant des capacités d’accueil.

En Bretagne, ce statut a évolué au fur et à mesure de l’extension des zones en excédent, qui recouvrent aujourd’hui la quasi-totalité du territoire. L’utilisation du fumier par les agriculteurs constitue un exemple révélateur. Il y a quelques années, le transport et l’épandage, ainsi que la fourniture de paille à l’éleveur, étaient à la charge de l’agriculteur qui cherchait à sécuriser son approvisionnement en fumier. Les éleveurs ont dû progressivement assurer le transport et l’épandage des amendements, puis payer la paille aux agriculteurs.

Un rapport rédigé pour la réunion du 28 mars 2009 du Conseil Stratégique de l’Agriculture et de l’Agro-industrie Durables (CSAAD), organisme placé auprès du Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, révèle des orientations nationales contraires à celles de cette convention Vendéenne.

Comme chacun sait, dès lors que l’exploitant agricole a signé un bail, il est libre sur l’utilisation du fonds, notamment pour le choix des cultures sous réserve d’exploiter « en bon père de famille », sans compromettre l’utilisation future des terrains et sans possibilité de « changement de destination » du fonds. Si le propriétaire constate une dégradation du fonds à l’issue du bail, qui pourrait être liée par exemple à l’épandage de compost, il peut demander une expertise puis une indemnisation à la charge du fermier.

Alors que la convention de Vendée repose sur la vente du compost à des agriculteurs volontaires, les réflexions en cours dans les services ministériels prévoient plutôt de rémunérer les exploitants agricoles pour leur rôle de fournisseurs de services environnementaux (l’épandage de compost même normé est un service environnemental):

  • de manière directe, comme dans le cas des mesures agro-environnementales ou de contrats avec des acheteurs locaux de services environnementaux lorsque ces services ont des bénéficiaires clairement identifiables et solvables (exemple TRIVALIS)
  • - de manière indirecte dans le cas du fermage, par l’intermédiaire d’un contrat avec le propriétaire foncier bénéficiaire du paiement dans le cadre de l’obligation de compensation.

Dans cette seconde situation, le contrat doit garantir sur une longue durée la fourniture du service environnemental (par exemple l’épandage du compost normé) et le partage de la rémunération qui en résulte entre le propriétaire et le fermier. L’établissement d’un tel contrat pourrait être favorisé par l’État.

Ces réflexions conduisent actuellement les services de l’Etat à étudier la mise en place d’une réglementation permettant de définir sur une longue durée les modalités de fourniture et de rémunération des services environnementaux, ainsi que l’articulation exploitant/propriétaire dans le cas du fermage. Ces projets semblent ignorés (sciemment ?) des trois partenaires de Vendée signataires de la convention du 10 juillet 2009

Ces réflexions illustrent ainsi la fragilité de la convention qui ne saurait légitimer la création immédiate d’un centre de tri mécano-biologique sur le site du Taffeneau au Château d’Olonne. Elles illustrent aussi la fragilité des déclarations publiques relatives aux coûts de fonctionnement du dispositif de TNB.

Par mesure de précaution, il conviendrait d’attendre la mise en place de tout le cadre juridique relatif au fonctionnement de ce type d’installation :

o non seulement l’encadrement technique durable qui demeure aujourd’hui obscure,

o mais aussi les garanties juridiques relatives à la pérennité du débouché par épandage.

Dans cette attente il convient d’engager sans retard toutes les mesures susceptibles de réduire le volume des déchets collectés.

Pascal GRACIA

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Camus disait : "Rien n'est vrai qui force à exclure "